Au cours des dernières années, les sociétés d’acquisition à vocation spécifique (SAVS) ont suscité beaucoup d’intérêt de la part des investisseurs. Les sociétés de capital de démarrage (SCD) et les prises de contrôle inversées (PCI) demeurent un moyen plus courant de devenir une société ouverte.
Ces autres façons de devenir une société ouverte permettent aux sociétés privées de s’inscrire en bourse au Canada sans passer par le processus traditionnel du premier appel public à l’épargne (PAPE).
Si vous envisagez d’investir dans une ou plusieurs de ces sociétés, vous devez comprendre les risques uniques associés à ces méthodes de financement d’autres sociétés ouvertes.
Sur cette page, vous trouverez
Quelles sont les autres façons de devenir une société ouverte au Canada?
Une société privée peut devenir ouverte de plusieurs façons, notamment :
- un premier appel public à l’épargne (PAPE), qui consiste à déposer un prospectus auprès d’un organisme de réglementation des valeurs mobilières, tel que la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO);
- une admission directe à la cote d’une bourse de valeurs reconnue;
- une transaction ou une acquisition admissible auprès d’une société d’acquisition à vocation spécifique (SAVS);
- une transaction admissible avec une société de capital de démarrage (SCD) inscrite à la Bourse de croissance TSX (TSXV) ou une transaction de prise de contrôle inversée (PCI) impliquant une société ouverte existante (souvent une société fictive).
Dans un PAPE traditionnel, une société exploitée activement dépose généralement un prospectus auprès d’un organisme de réglementation des valeurs mobilières, tel que la CVMO. Ensuite, elle obtient une cotation d’une bourse pour dresser la liste de ses valeurs mobilières.
Tous les prospectus des PAPE sont soumis à un examen du personnel de la CVMO afin de garantir leur conformité aux exigences applicables. Ces examens donnent souvent lieu à des révisions du prospectus. Le processus d’examen ne garantit pas que la divulgation d’une société est complète ou exacte. Le personnel de réglementation n’évalue pas le bien-fondé d’un PAPE et il ne détermine pas si un investissement dans une société est approprié pour un investisseur. La responsabilité de la divulgation complète, exacte et claire incombe plutôt à la société et aux autres personnes engagées dans la préparation du prospectus de la société.
Les sociétés qui deviennent ouvertes par le biais d’une transaction, d’une SAVS ou d’une SCD, ou encore par l’intermédiaire d’une PCI, sont considérées comme étant devenues ouvertes par un autre moyen. En général, la société ouverte qui en découle va « reprendre » une société existante, mais souvent non active, cotée en bourse ou fusionner avec celle-ci. Bien qu’un prospectus puisse également être exigé pour de telles sociétés, ce n’est pas toujours le cas.
Depuis 2016, 145 sociétés sont devenues ouvertes au Canada au moyen d’une transaction avec une SAVS ou une SCD, ou encore d’une PCI.
Elles représentent une gamme d’industries, y compris les drogues psychédéliques, les cryptomonnaies, les jeux, la finance, la fabrication, le cannabis, la biotechnologie, la pharmaceutique, la technologie, les biens immobiliers et l’exploitation minière.
Comme pour tout investissement potentiel, vous devez comprendre le fonctionnement des autres arrivants sur le marché, et les risques associés à chacun d’eux, avant d’investir.
Nouveaux arrivants sur les marchés financiers du Canada, 2016-2017 à 2020-2021
Sociétés de capital de démarrage (SCD) | Prises de contrôle inversées (PCI) | Société d’acquisition à vocation spécifique (SAVS) | PAPE traditionnels | |
Total | 77 | 53 | 15 | 88 |
Valeur totale maximale de capitaux privés recueillis par l’intermédiaire de PAPE | 38 M$ CA | S.O. | 3 G$ CA | 14 G$ CA |
Qu’est-ce qu’une société d’acquisition à vocation spécifique (SAVS)?
Une société d’acquisition à vocation spécifique (SAVS) est une société qui n’exerce aucune activité commerciale. Elle n’a aucune activité, aucun produit, ni aucun service.
Une SAVS est créée par un promoteur d’investisseur, généralement une personne ou une entité ayant une expérience du secteur et de la société publique. Une SAVS collecte des fonds (au moins 30 millions de dollars) en émettant des titres au public par l’intermédiaire d’un PAPE.
Contrairement à un PAPE traditionnel, à l’étape du PAPE de la SAVS, la société ne possède pas d’entreprise exploitée ou d’actifs autres que des liquidités. À cette étape, les investisseurs potentiels se concentreront sur l’expérience des administrateurs ou dirigeants de la SAVS pour déterminer si une entreprise sera la cible de l’acquisition admissible.
Les recettes du PAPE sont placées en main tierce. L’intention est de les utiliser pour effectuer une acquisition admissible d’une entreprise ou d’un actif identifié après l’entrée en bourse.
Une SAVS devrait être considérée comme un investissement très spéculatif. Si vous investissez, vous ne saurez pas quelle entreprise la SAVS peut acquérir, bien que le secteur d’activité cible soit souvent indiqué dans le PAPE. C’est pourquoi les SAVS sont souvent appelées « sociétés sans vocation déterminée ».
L’inscription d’une SAVS est un processus en deux étapes au Canada, qui comprend ce qui suit :
- Déposer et autoriser un prospectus du PAPE auprès d’un organisme de réglementation des valeurs mobilières provincial ou territorial, tel que la CVMO. Ensuite, inscrire les titres à la bourse (soit le TSX ou la NEO).
- Déterminer et effectuer une acquisition admissible. La SAVS doit déposer et faire approuver par son organisme de réglementation des valeurs mobilières un second prospectus (appelé prospectus d’admissibilité à titre d’émetteur assujetti), qui comprend des renseignements sur l’entreprise cible.
En Ontario, le TSX et la NEO Bourse approuvent les inscriptions de SAVS. Le TSX a adopté des règles pour approuver les SAVS en 2008 et la NEO Bourse a adopté des règles similaires.
Un investisseur dans un PAPE peut voter contre l’opération s’il n’approuve pas l’acquisition admissible proposée dans le prospectus d’admissibilité à titre d’émetteur assujetti. En général, les investisseurs dans un PAPE ont aussi le droit de se faire rembourser leurs actions et d’obtenir leur part des fonds entiercés, calculée au prorata.
Les investisseurs dans un PAPE n’auront pas le droit de voter sur une acquisition admissible si 100 % des recettes du PAPE ont été entiercées. Cependant, ils ont toujours le droit de se faire rembourser leurs actions s’ils ne sont pas en faveur de la transaction proposée.
Qui investit dans les SAVS?
En 2020 et en 2021, les SAVS sont devenues un moyen populaire de collecter des fonds et elles ont attiré l’intérêt des investisseurs institutionnels, tels que les régimes de retraite et les fonds spéculatifs qui ont un appétit pour le risque. Environ 250 milliards de dollars américains ont été investis dans des SAVS aux États-Unis pendant cette période.
Rien qu’au cours du premier trimestre de 2021, 295 SAVS ont été créées aux États-Unis, et 96 milliards de dollars y ont été investis. En 2020, les SAVS représentaient plus de 50 % des nouvelles sociétés cotées en bourse aux États-Unis.[1]
Au Canada, les SAVS sont une méthode relativement nouvelle de collecter des fonds. Quinze SAVS ont collecté 3 milliards de dollars canadiens de 2016 à 2021.
Quels sont les échéanciers des SAVS?
Une fois qu’une SAVS a réuni son capital, elle dispose de 36 mois pour effectuer une acquisition admissible auprès d’une société cible. Si une transaction ne peut pas être effectuée dans les 36 mois, le capital qui a été levé doit être retourné aux investisseurs et la SAVS est radiée de la cote de la bourse.
Qu’est-ce que cela signifie pour les actionnaires d’une SAVS lorsque celle-ci désigne une société cible?
Lorsqu’une SAVS désigne une société cible, elle doit obtenir la majorité des votes de ses actionnaires pour effectuer l’acquisition admissible. Toutefois, l’approbation des actionnaires n’est pas requise si 100 % des recettes du PAPE de la SAVS, ainsi que des capitaux propres supplémentaires recueillis selon les règles du TSX ou de la NEO, sont entiercés.
Les actionnaires de la SAVS ont généralement un droit de remboursement. Les investisseurs peuvent se faire rembourser leurs actions avant la transaction avec la société cible s’ils ne sont pas en faveur de la transaction proposée. Une SAVS peut limiter le nombre ou le pourcentage de remboursements autorisés. Le cas échéant, cette limite doit être clairement définie dans le prospectus.
Quels sont les risques liés à un investissement dans des SAVS?
Un investissement comporte toujours des risques et l’investissement dans des SAVS ne fait pas exception à la règle. Les SAVS sont considérées comme des investissements très spéculatifs qui peuvent poser des risques supplémentaires pour les investisseurs.
Vous devez être conscient de certaines préoccupations avant d’investir dans une SAVS :
- Détails de l’acquisition : au moment d’investir dans le PAPE d’une SAVS, vous ne connaîtrez pas l’entité dans laquelle vous investissez à terme.
- Conflits d’intérêts potentiels : les promoteurs doivent investir en amont dans la SAVS et ils peuvent être plus intéressés à trouver une cible avant la date limite. Autrement dit, la société visée par l’acquisition peut ne pas être dans l’intérêt supérieur des actionnaires qui ont un horizon de placement plus long.
- Droits et recours : un investisseur peut ne pas avoir les mêmes droits et recours qu’il aurait s’il avait investi dans une société par le biais d’un PAPE traditionnel. Par exemple, les contrôleurs impliqués dans le PAPE d’une SAVS ne seront pas tous responsables d’une fausse déclaration dans le prospectus d’acquisition admissible. Cela peut avoir une incidence sur la diligence raisonnable exercée dans le cadre d’une acquisition admissible cible.
Les investisseurs devraient envisager de consulter leur conseiller en placement afin de mieux comprendre les droits et les recours dont ils disposent en cas d’erreur de représentation dans le prospectus ou dans d’autres documents de divulgation aux différentes étapes d’une SAVS avant d’investir.
Quel est l’avenir prévu des SAVS?
Les SAVS font l’objet d’une surveillance accrue de la part des organismes de réglementation américains. Cela a conduit à une baisse significative de leur popularité tant aux États-Unis que dans le reste du monde. Les règles pour les SAVS au Canada ne sont pas les mêmes qu’aux États-Unis, mais il semble que l’intérêt de réunir des capitaux à l’aide d’une SAVS ait également diminué au Canada.
Les turbulences des marchés causées par la hausse de l’inflation et des taux d’intérêt ont entraîné une baisse de nouveaux PAPE de SAVS aux États-Unis.[2] De plus, de nombreuses actions de SAVS échangées après l’acquisition admissible se sont négociées en dessous de leur prix du PAPE.
Qu’est-ce qu’une société de capital de démarrage (SCD)?
Une société de capital de démarrage (SCD) est semblable à une SAVS, mais elle n’est autorisée à réunir que jusqu’à 10 millions de dollars. Les SCD aident les sociétés privées à un stade précoce en leur offrant une autre façon de devenir une société ouverte. Le programme de SCD a été créé par la Bourse de croissance TSX (TSXV).
Comment fonctionne une SCD?
Une SCD a de nombreuses similitudes avec une SAVS. Une SCD n’a pas d’entreprise. Elle n’a pas non plus aucune opération, aucun produit, ni aucun service. Elle suit également un processus en deux étapes impliquant un PAPE suivi d’une opération admissible.
Les fonds recueillis au stade du PAPE sont utilisés pour déterminer une société cible qui deviendra la société ouverte inscrite à la bourse. Si la SCD conclut sa transaction admissible avec la société cible, les actions de la société qui en résulte continuent de se négocier sur la TSXV.
À l’étape du PAPE, la SCD doit déposer un prospectus qui est examiné et autorisé par la TSXV (plutôt que par l’organisme provincial de réglementation des valeurs mobilières, comme c’est le cas avec une SAVS). En Ontario, la CVMO effectue également des vérifications des antécédents des promoteurs de la SCD.
Contrairement aux SAVS, il n’y a pas de période limite pendant laquelle une SCD doit effectuer une transaction admissible. À l’étape de la transaction admissible, la SCD doit déposer un document de divulgation. Il comprend des informations sur la cible et il doit être examiné et approuvé par la TSXV. Selon le type et l’emplacement de l’entreprise cible, une SCD peut être tenue de déposer un second prospectus auprès de la CVMO, au lieu du document d’information de la TSXV.
Les SCD sont la façon la plus courante de rendre les sociétés ouvertes sur la TSXV.[3]
Quels sont les risques liés à un investissement dans des SCD?
L’investissement dans une SCD inclut certains risques semblables à ceux des SAVS. Mais il y a aussi d’autres risques dont vous devriez être conscient. Les principaux risques liés à l’investissement dans une SDC sont les suivants :
- Détails de l’acquisition : un investisseur ne sait pas dans quelle société la SCD peut finalement investir lorsqu’elle termine son opération admissible.
- Aucun droit de remboursement : contrairement aux SAVS, les SDC n’ont pas de droit de remboursement.
- Droits de vote limités : les actionnaires d’une SDC ne peuvent voter que sur certains types d’opérations admissibles, comme celles avec des parties ayant un lien de dépendance. Si un actionnaire n’est pas en faveur d’une opération admissible, mais que la majorité des actionnaires le sont, ou si un vote des actionnaires n’est pas nécessaire, l’actionnaire devra vendre ses actions à la bourse. Cela est différent de la fonction de rachat offerte aux actionnaires d’une SAVS, où les investisseurs peuvent choisir de racheter leurs actions et d’obtenir leur part calculée au prorata des fonds entiercés. Pour les SDC, un actionnaire peut avoir à vendre ses actions à un prix inférieur à ce qu’il avait initialement investi.
- Droits et recours : un investisseur peut ne pas avoir les mêmes droits et recours qu’il aurait s’il avait investi dans une société par le biais d’un PAPE traditionnel. Par exemple, les droits de responsabilité prévus par la loi en raison d’une fausse déclaration dans un prospectus ne seraient pas disponibles. Les droits contractuels destinés à refléter les droits de fausse représentation statutaires peuvent également être différents des droits statutaires ou ne pas exister.
Les investisseurs devraient envisager de consulter leur conseiller en placement afin de mieux comprendre les droits et les recours qui sont disponibles en cas d’information trompeuse dans le prospectus ou dans d’autres documents de divulgation aux différentes étapes d’une SDC avant d’investir.
Qu’est-ce qu’une prise de contrôle inversée (PCI)?
Une prise de contrôle inversée (PCI) est une autre façon pour une société privée de devenir ouverte et d’être cotée à la bourse. Souvent, une PCI implique une société « fictive » cotée avec peu ou pas d’activités. Une société « fictive » peut découler d’une société ouverte précédente, avec une cotation en bourse, qui a liquidé ses activités, mais qui reste cotée en bourse avec de l’argent comptant comme principal actif. La principale valeur d’une société « fictive » cotée en bourse pour des sociétés privées souhaitant faire un appel public à l’épargne est son inscription en bourse.
Les divulgations concernant les opérations de PCI sont principalement examinées par les bourses, par opposition aux commissions de valeurs mobilières. Les sociétés qui deviennent des sociétés ouvertes par l’intermédiaire d’une PCI n’ont pas à produire de prospectus. Les PCI peuvent avoir lieu sur toutes les bourses. Elles sont également appelées « fusions inversées » ou « inscriptions par la porte arrière ».
Comment fonctionne une PCI?
Une société privée peut devenir ouverte et être inscrite sans produire de prospectus en effectuant une PCI. Lorsqu’une PCI implique une société « fictive » cotée, la société « fictive » cotée émet des actions aux actionnaires de la société privée en échange de ses actions.
Une PCI implique généralement une société privée active qui devient une société ouverte par le biais d’une transaction telle qu’une fusion, ou un échange d’actions, où les actionnaires de la société privée échangeront leurs actions contre des actions de la société ouverte « fictive ».
En raison de la PCI, les actionnaires de la société privée, en tant que groupe, obtiendraient suffisamment d’actions pour contrôler la nouvelle société qui en découlerait. Après la PCI, la société ouverte est essentiellement l’exploitation de la société privée. La direction de la société privée devient généralement celle de la nouvelle société qui en résulte.
Le plus souvent, l’approbation d’une PCI par les actionnaires de la société ouverte « fictive » est nécessaire. Toutefois, il peut y avoir des exceptions selon le type de transaction d’entreprise ou les règles de la bourse concernée. Un investisseur qui n’est pas déjà actionnaire de la société ouverte « fictive » ou de la société privée investirait dans la nouvelle société en découlant en acquérant des actions à la bourse à laquelle la nouvelle société est cotée.
Quels sont les risques liés à un investissement dans une société qui est devenue ouverte par le biais d’une PCI?
Les PCI peuvent poser quelques risques pour les investisseurs :
- Aucune obligation de prospectus : bien que la divulgation requise dans le document d’information examiné par les bourses soit semblable à celle d’un prospectus, il n’y a pas d’obligation de déposer un prospectus.
- Inexpérience en gestion : la direction de la nouvelle société ouverte après la PCI peut avoir peu ou pas d’expérience en gestion d’une société ouverte, et elle peut ne pas connaître les exigences du droit canadien des sociétés ou des valeurs mobilières.
- Société opérant à l’étranger : lorsqu’une PCI implique une société opérant à l’étranger, il peut y avoir des risques supplémentaires en raison de l’emplacement des activités. Par exemple, si la société étrangère est située dans un marché émergent ou dans un pays où la réglementation est moins solide. Ces risques sont similaires dans un PAPE traditionnel, mais dans ce cas, le risque peut être quelque peu atténué par les conditions imposées à l’émetteur dans le cadre du processus du PAPE.
- Droits et recours : à l’instar d’une SAVS ou d’une SDC, un investisseur peut ne pas avoir les mêmes droits et recours qu’il aurait s’il avait investi dans une société par le biais d’un PAPE traditionnel.
Conclusion
Vous envisagez peut-être d’acheter des titres d’une société qui est devenue ouverte par un autre moyen afin d’entrer sur le marché boursier canadien. Cependant, il est important de comprendre comment ces autres moyens de devenir ouvertes peuvent avoir une incidence sur le risque de votre investissement.
[1] https://hbr.org/2021/07/spacs-what-you-need-to-know
[2] SPAC IPOs Plummet. Here’s What’s Behind the Slump (NASDAQ)
[3] Programme de sociétés de capital de démarrage la Bourse de croissance TSX <https://www.tsx.com/resource/fr/47>